De la Grèce à l'automne, il n'y a qu'un pas !
Il passe par le Jardin du Luxembourg, photographié ci-dessous et dans Vidi, vidi, vidi
et magnifiquement célébré par Vassilis Alexakis dans son dernier roman : L'Enfant grec.
L’Enfant
grec
de Vassilis Alexakis
Stock,
2012, 315 pages
Depuis son premier
roman, Le
Sandwich,
paru en 1974, Vassilis Alexakis, écrivain gréco-français, a signé
une œuvre romanesque abondante dans les deux langues. Son parcours
original l’a conduit à explorer dans ses livres « l’entre
deux », et plus précisément le rapport à la langue
originelle et à la langue empruntée. Une interrogation qui l’a
d’ailleurs amené à apprendre, dans une sorte de défi, une
troisième langue, totalement étrangère, le sango, expérience
qu’il raconte dans Les
Mots étrangers.
Avec L’Enfant
grec,
son dernier ouvrage paru à ce jour, Alexakis, part encore une fois de son propre vécu.
A la suite d’un lourd problème de santé, il se retrouve
convalescent durant plusieurs semaines. Ne pouvant réintégrer son
appartement parisien du 15ème
arrondissement, il prend pension à l’Hôtel Perreyve à côté du
Jardin du Luxembourg. Durant « ces jours un peu longs et un peu
tristes », il redécouvre –et nous fait redécouvrir- ce lieu
chargé d’histoire et peuplé de personnages d’un autre temps :
la dame-pipi, le tenancier de l’Auberge des Marionnettes, la
marionnettiste elle-même ainsi que quelques figures de marginaux, poètes ou SDF déambulant dans ce petit-monde, entre
silhouettes de joggers et de joueurs d’échecs.
Sa
convalescence est également pour lui l’occasion de se repencher
sur sa situation d’écrivain, sur son passé et bien entendu,
toujours sur son rapport à la Grèce. On assiste ainsi à un
parallèle passionnant entre le Guignol français et son homologue
grec Kharagiosis. Une évocation bien à sa place dans ce décor du
Jardin du Luxembourg, mais également très certainement
métaphorique : la situation actuelle des Grecs est abordée à
maintes reprises. De quelles puissances, sont-ils les marionnettes ?
Au
cours des pages du livre, personnages réels et fictionnels se
mêlent. Se remémorant ses lectures d’antan (Robinson Crusoë, Les
trois mousquetaires, Balzac, Don Quichotte, Tarzan…), l’auteur
part, dès qu’il le peut, dans des escapades vers un imaginaire où
on se plait à le suivre.
Car
c’est bien le génie de ce livre d’instaurer un dialogue constant
entre réalité et mythes, parcours personnel et société, monde
d’hier et d’aujourd’hui.
Ce
qui pourrait s’avérer comme un récit égocentré et nombriliste
se révèle au contraire comme le partage généreux d’idées, de
visions, d’émotions. Le livre d’Alexakis a le charme d’une
promenade ou encore d’une conversation en très bonne compagnie.
Enfant grec, Alexakis
le demeure, dans le sens où Victor Hugo l’entendait, lui qui avait
donné ce titre à l’un de ses poèmes célébrant l’esprit de
résistance du peuple héllène.
Mais il est aussi le
citoyen d’une nouvelle patrie ou plus exactement d’une patrie
sans cesse à renouveler.
« Le Jardin du
Luxembourg est devenu mon nouveau pays » écrit-il dans les
premières pages du roman.
Son
récit nous convaincrait bien de réclamer la même nationalité.
© Etienne
Orsini