lundi 16 septembre 2013

Enclos de poésie, les serres d'Auteuil



   Enclos de poésie, dans cet agglomérat de prose qu'on nomme ville par habitude : les serres d'Auteuil. Août m'y aura trouvé, sur un banc ou un autre, un livre ouvert ou un carnet sur les genoux, à regarder devant et dedans moi... A donner des surnoms à ces plantes que mon ignorance ne croirait tout de même pas anonymes. Croq'azur, pour ces sortes de cairns végétaux qui font du parterre la mâchoire d'un monstre. Ecoute-bien pour cette plante aux larges feuilles largement déployées, si attentive au moindre souffle. Août m'y aura trouvé. Vieux avant l'âge et si content de l'être... Prenant à la dérobée mon acompte de contemplation quand d'autres courent, achètent ou vendent... Ayant le sentiment de jouer un bon tour au brouhaha ambiant, en restant là, assis des heures durant au lieu d'apporter ma contribution au P.I.B. de mon pays.
   Il n'y a  pas de meilleur lieu pour perdre son temps. Ici les heures passent au travers des verrières de bâtiments si délicieusement surannés.Des temples immenses, dédiés à un dieu autre que l'habitant des tiroirs-caisses. Des vestiges d'une humanité vraie, à l'intérêt vibrant pour les réalités de la Nature.
   Ici, je communie aux heures perdues d'une horloge séculaire. Des petits grains de temps, semés par tant de passants à hauts-de-forme, robes à volants, jeans ou tee-shirts, quand les sourires courent sur les lèvres et les conversations badinent dans l'espace. 
   Ni le bruit du trafic autoroutier ni la rotation des hélicoptères n'entament la grâce de l'endroit. Cette rumeur, au contraire, en vient sertir le charme. La fontaine chante à gorge déployée et les veuves de paradis pépient de plus belle quand entre dans la serre un petit homme au chapeau improbable.
   Mais voilà qu'une balle, venant d'à côté, menace de tout gâcher... Une de ces sphères de caoutchouc jaune fluo qui hallucinent les masses et quelques "happy few" malheureusement pas assez "few". Cette balle, qui se prend pour un oeuf de la poule aux oeufs d'or, voudrait briser mon rêve et le cristal de la fontaine. Elle réclame un palais toujours plus vaste et ces oisifs qui oisivent à sa porte sans rien apporter d'autre à la Société qu'une petite part de rêve, lui sont insupportables.

                                                                                                                                           EO

 Vient de paraître !